Hélène Boullé, épouse de Samuel de Champlain

Introduction

Hélène Boullé, née probablement à Paris est un personnage peu connu. Selon son acte de mariage, on peut conclure qu’elle serait née en 1598. On ne retrouve aucune mention de sa naissance dans le registre de Vitré. La famille retourne fort probablement à Paris après la promulgation de l’Édit de Nantes de 1598.  On ne sait rien de son enfance. Intelligente et instruite, on peut présumer qu’elle a eu un précepteur étant donné la position sociale de son père. Celui-ci était un proche de la cour d’Henri IV. On connait mieux la vie d’Hélène après son mariage en 1610 avec l’explorateur Samuel de Champlain, un proche d’Henri IV. Dans ses ouvrages, Champlain est fort discret sur sa vie privée et il ne mentionne le nom d’Hélène que furtivement. La vie d’adulte d’Hélène Boullé est connue grâce aux travaux d’Henri Bourde de la Rogerie, de René Baudry et de Robert Le Blant[1]. Ces auteurs citent les Chroniques des Ursulines de l’archiviste Marie-Augustine Pommereu publiées en 1673 etreproduites en 1958 par les Ursulines de Québec[2].

Le 27 décembre 1610, Hélène Boullé, 12 ans, épouse Samuel de Champlain, âgé probablement de 30 ans. Cet écart d’âge est tout à fait normal à cette époque. Cependant, un monde les sépare, Hélène vit, entourée d’amis, dans l’opulence d’une maison parisienne. Quant à Champlain, il est un explorateur qui recherche la nature sauvage et la rencontre d’amérindiens. Leurs confessions religieuses sont également aux antipodes.  Hélène est élevée rigoureusement par son père, un protestant convaincu. La coutume veut que l’épouse se convertisse à la religion de son mari. Champlain serait probablement né d’une famille protestante, mais dès 1585, à la suite de l’édit de Nemours, cette famille adoptera le catholicisme.  Les affinités de Champlain avec cette religion s’affirment très tôt, dès 1602 lorsqu’il fréquente Aymar de Chaste à la cour, un fervent catholique.

Mais quels sont les intérêts de Nicolas Boullé et de Champlain dans cette union?  Après la mort d’Henri IV, Champlain veut certes garder contact avec des financiers puissants à la cour, tel que Nicolas Boullé secrétaire à la chambre du roi.  Ce dernier a également des intérêts dans cette union car il est fasciné par l’outre-mer. Il mariera également son autre fille Marguerite à un proche d’Henri II de Bourbon, prince de Condé qui deviendra peu de temps après, le Vice-Roi de la Nouvelle-France. Dès 1605, Nicolas Boullé avait eu des rencontres avec des personnes ayant séjournées en Acadie avec Champlain.

On mentionne souvent que la relation n’était pas harmonieuse, quelle est la raison des difficultés rencontrées dans ce couple?  Comment expliquer le séjour d’Hélène à Québec entre 1620 et 1624? Une réconciliation s’est-elle produite? Quelles sont les occupations d’Hélène Boullé à Québec? Qu’est-ce qui incite Hélène à retourner en France ? A Paris, elle demande à Champlain plus de liberté et quelles sont ses intentions? Comment réagit-elle au décès de son mari?  Ce texte répondra à ces interrogations.

La famille Boullé

Hélène est la cinquième enfant de la famille de Nicolas Boullé et de son épouse Marguerite Allix Sont issus de ce mariage: Nicolas, Marguerite, Marie, Jean, Hélène et Eustache.

Nicolas Boullé.

Nicolas Boullé est né en 1553, originaire de Fougères en Bretagne. Son père, Jean Boullé appartenait à la petite noblesse de province. À Fougères, les protestants étaient de familles nobles[3].  Boullé possédait des propriétés à Mayenne dans le baillage du Mans. Ce nom de Boullé est encore répandu dans la Sarthe[4]. À 25 ans, il épouse Marguerite Alix, selon le contrat passé le 15 septembre 1578, devant les notaires au Chatelet de Paris, Phillipe Tulloue et Nicolas 1er Contesse[5].  Le mariage protestant fut célébré le 13 janvier 1579[6]. Boullé sera qualifié d’honorable homme et huissier, collecteur général des finances le 15 avril 1581. David Hackett Fischer décrit ses fonctions :

«  A la cour, un huissier était un officier de haut rang, chargé d’exécuter les décisions du monarque. Sa fonction le situait donc au centre du pouvoir en France.  Ce poste lui avait apporté influence et argent et il avait fortifié sa position sociale avec les mariages de ses enfants[7] ».  

En avril 1610[8] Nicolas devenait secrétaire du roi Louis XIII puis « concessionnaire de la ferme des vins à La Flèche et enfin fermier général des aides en Tourraine[9] ».   

Marguerite Allix

Marguerite Allix, est issue d’une riche famille de commerçants. Son père Simon Allix, nommé en 1576 maître des œuvres et maçonnerie du roi[10]. Son épouse est Geneviève Regnard.  Cette dernière est déclarée veuve en 1588. Issue d’une famille catholique, Marguerite se converti au protestantisme de son mari peu après son mariage. Dans sa famille on s’intéresse également aux explorations d’outre-mer. Elle avait un frère, Simon Allix, membre de la Compagnie des Cent-Associés avec Champlain. Originaire de Vitré, la femme de Simon, Geneviève Le Sage[11] est présente à Paris au mariage de Samuel de Champlain. Marguerite Allix est enterrée avec des grandes nobles au couvent des Minimes de la Place Royale, le 6 août 1637[12].

Nicolas Boullé, fils

Nicolas, fils est né le 13 octobre 1586 à Paris dans la paroisse Saint-Germain l’Auxerrois selon le Fichier. Origine[13]. Selon le fonds Réné Beaudry de l’Université de Moncton, le jeune Nicolas Boullé débute son apprentissage comme peintre chez Jacob Bunel, en mars 1604 selon Le Blant[14].  Robert Le Blant mentionne curieusement qu’il aurait été recruté comme apprenti par le peintre Jacques Quesnel[15]. Nicolas serait mort en 1641 selon certaines sources. Dans l’inventaire d’Hélène Boullé, on retrouve des tableaux de Nicolas.

Fait intéressant, Jacob Bunel est le peintre de la cour et il effectue plusieurs tableaux représentant le roi et son fils. Doué pour la peinture le jeune Louis XIII suivra en 1615 des leçons de dessin de Jacob Bunel[16].

Portrait d’Henri IV par Jacob Bunel.
 

  Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Jacob_Bunel

Œuvre de Jacques Quesnel,
Source : https://www.christies.com/en/lot/lot-6308138

 

Marguerite Boullé

Marguerite, née en 1589, épousait le 28 novembre 1611 Charles Deslandes, âgé de 27 ans, secrétaire d’Henri II de Bourbon prince de Condé. Ce mariage constituait pour Champlain et Nicolas Boullé, une alliance avec ce prince qui devait, un an plus tard, solliciter avec succès la vice-royauté de la Nouvelle-France. À son mariage, était présent René-Pierre Chartier[17], docteur régent en la Faculté de médecine de l’université de Paris et médecin du roi.  René-Pierre Chartier est un ami de Marc Lescarbot. Ce dernier reprend l’idée de Chartier et de Champlain qui ont élaboré un projet de société concernant les statuts et règlements de la Nouvelle-France, intitulé Société Sainte, ayant pour but d’aller implanter la foi aux terres occidentales[18]. Lors de son passage à Paris en 1613, Champlain logeait chez René-Pierre Chartier, rue Troussevache.

Marie Boullé

Marie est née à Vitré, le 12 septembre 1591. Durant les guerres de religions, la famille Boullé s’étaient réfugiée à Vitré, ville « gagnée au calviniste depuis 1585, par sa châtelaine Guyonne de Laval, formait un bastion avancé de la Réforme en Bretagne. Henri IV y avait présidé un synode protestant[19]».   

Source :  Archives d’Ille-et-Vilaine, Les registres paroissiaux et état civil de Vitré, baptêmes 1590-1592, image no. 3.

Transcription de Bourde de la Rogerie[20] :

« Marie, fille de Nicolas Boullé et de Marguerite Allix, sa femme, a présent retirés et réfugiés en ceste ville, a esté baptisée le douziesme jour de septembre mil cinq cents quatre vingt et onze, présentée par Me Estienne Rondel[21], et le baptesme administré par Monsieur Merlin. »

                                                                                                               P. Merlin

Jean Boullé

Jean est également né à Vitré, le 3 avril 1594. Assistaient à son baptême, Madame de Mommartin, femme du Gouverneur de Vitré et Jean Le Limonier, conseiller au parlement de Bretagne.    

                                 

Source :  Archives d’Ille-et-Vilaine, registres paroissiaux et état civil de Vitré, baptême 1594, image no.6.

Transcription de Bourde de la Rogerie[22]:

« Jean, fils de Nicolas Boullé et de Marguerite Allix, sa femme, luy natif de Fougères, et ladite Allix de Paris, appresant refugiéz à cause des guerres civilles, a esté baptisé en l’église réformée de ceste ville de Vitré ce dimanche troyesme d’avril mil cinq cents quatre vingt quatorze et a esté présenté par escuier : Jean Le Limonier, sieur de Haris[23], et par Madame de Mommartin[24], le baptême administré par maistre Jean Parent, ministre du Sainct Évangile en ceste église, présent Le moyen ».

                                                                                             J. Parent

Eustache Boullé

« Né à Paris en 1600, Eustache suivra les traces de son beau-frère. Il est l’un de ses fidèles collaborateurs jusqu’à la chute de Québec en 1629. Champlain souligne en 1619:

Au commencement de l’année mille six cent dix-huit, le vingt-deuxième jour de mars, je partis de Paris, et mon beau-frère que je menai avec moi, pour me rendre à Honfleur, havre de notre embarquement …  Notre embarquement ainsi fait, nous partîmes dudit lieu de Honfleur le 24e jour de mai suivant audit an 1618[25] ».

Champlain quitte Québec le 26 juillet 1618 avec les pères Le Caron, Dolbeau et Guines, laissant sur place, Eustache, Guillaume Couillard, Etienne Jonquest et Nicolas Marsolet[26].

En 1626, Champlain est à Dieppe et Eustache l’accompagne dans ses déplacements en France.  Champlain se réjouit de voir son beau-frère nommé responsable de l’habitation de Québec, à son absence il dit :

« Ayant son arrêt, il (le sieur de Caen) s’en vient à Dieppe pour faire partir les vaisseaux, où je me trouvai, étant parti de Paris le premier avril 1626, accompagné des sieurs Destoches et Boullé, mon beau-frère, lequel mon dit Seigneur avait honoré de ma lieutenance au fort, et ledit Destouches de mon enseigne[27] ».

En mai 1627, Eustache est impliqué dans des négociations de paix à Trois-Rivières avec les Flamands alliés des Iroquois. Champlain mentionne à ce sujet:

« Le 9e jour dudit mai, j’envoyai mon beau-frère pour aller à cette assemblée, à 30 lieus (120 km) de Québec en amont dudit fleuve, où ils s’assemblèrent tous pour prendre résolution. La moitié désirait la continuation de la guerre, les autres celle de la paix. Il fut à la fin résolue de ne rien faire jusqu’à ce qui tous les vaisseaux fussent arrivés et que les Sauvages d’autres nations fussent assemblés, ce qui poussa mon beau-frère à revenir le 21 dudit mois, et il me dit ce qui avait été décidé[28] ».

Durant l’hiver 1628-1629, les vivres commencent à manquer à Québec. Champlain suggère de quitter l’habitation et aux colons d’aller vivre parmi les amérindiens en attendant du secours de la France[29].  Dans son récit de 1632, il mentionne :

« Ce qu’étant trouvé bon de tout un chacun, j’eus désir d’envoyer mon beau-frère Boullé en cette découverte, d’autant qu’il était question que celui-ci qui irait fût un homme de jugement et s’accommodât aux humeurs de ces peuples, où tout le monde n’est pas propre, et de reconnaître exactement le chemin que l’on ferait avec les hauteurs des lieux et la confiance que j’avais en lui[30] ».

Eustache Boullé devient responsable d’amener des colons vers Gaspé pour échapper à la famine. Champlain nous dit :

« Ayant mis ordre à tout, mon beau-frère partit avec sa barque et tout son équipage, le 26 juin, laquelle n’avait que des racines, si ce n’était certains qui, par leur ménage, avaient quelque peu de farine de pois. La barque partie, chacun des ceux qui restaient commença à labourer la terre et y semer des navets, pour nous nourrir durant l’hiver[31] ».

Lorsque les frères Kirke prennent Québec, Champlain et son beau-frère sont rapatriés à Londres mais relâchés rapidement, contrairement à François Gravé et Emery de Caen qui demeurent prisonniers des Anglais et soumis à des rançons[32]. Pour les Anglais, François Gravé est beaucoup plus important que Champlain.

De retour en France, Eustache entre au couvent des Minimes de la Place Royale[33], aujourd’hui Place des Vosgues. Sa mère promet 6,000 livres à cette communauté à l’entrée de son fils dans leur ordre[34].

L’église des R.P. Minines de la Place Royale à Paris
Source de l’image :  https://www.tombes-sepultures.com/crbst_1681.html

Hélène Boullé

La famille Boullé connaissait Antoine de Champlain, père de Samuel de Champlain.  Nicolas Boullé ainsi que Pierre Dugua de Mons fréquentaient Champlain à la cour d’Henri IV dès 1602-1603.

Le 5 décembre 1605, Nicolas Boullé témoigne à Pierre DuGua, sieur de Mons, du décès de René Nouail, sieur de Bourgjoli, survenu à l’Ile Sainte-Croix[35] en Acadie. Les deux familles se connaissaient car le père de René Nouail, Pierre Nouail, sieur de Cohigné, fut présent au mariage de Champlain[36].

À la suite du décès d’Henri IV, le mariage de Champlain lui permettait de se rapprocher de la Cour et des milieux financiers. Il y a avait de la part de Nicolas Boullé, « l’enthousiasme pour la Nouvelle-France[37]».   Il mariera sa fille Marguerite à Charles Deslandes, secrétaire prince de Condé, Vice-Roi de la Nouvelle-France.

Les relations entre Champlain et des marchands de Vitré et de Saint-Malo sont certaines. Des alliances unissaient les familles vitréennes et maloines[38] ».  Les habitants de la ville de Vitré« s’intéressaient depuis longtemps aux armements maritimes.  Plusieurs marchands et notables de Saint-Malo, comme Jean Gouverneur, demeuraient à Vitré[39].

 
L’auteur Gwénolé Le Goué-Sinquin explique le rôle de Saint-Malo dans le commerce des toiles vitréennes :

« Bien placé sur les routes maritimes entre nord, ouest et sud de l’Europe, Saint-Malo est avec Nantes un complexe portuaire des plus proches, des plus polyvalents, avec lequel les Vitréens entretiennent des relations déjà anciennes…Les Malouins sont essentiellement des intermédiaires dans le domaine du transport pour les Vitréens qui, prompts à financer des projets ambitieux pour trouver de nouveaux débouchés[40] ».

Touchant la ville de Vitré, Henri Bourde de Rogerie fait cette intéressante réflexion :

« Ce n’est qu’une curieuse coïncidence de trouver dans les même registres le nom du château de Champlain, en Saint-Pierre des Landes, propriété de la famille protestante de la Saugère, sans lien connu avec les Champlain de Saintonge[41] ».

De fait, ce n’est pas une coïncidence, le père de Samuel de Champlain, Antoine est très lié à la ville de Vitré. Il était probablement un fils naturel de Jean de la Saugère et d’Anne de Peigne, dame de Champlain[42]. La terre de Champlain est située à Saint-Pierre des Landes, non loin de Vitré.

Ainsi, pas étonnant de retrouver des gens de Vitré en Acadie. Il s’agit de Fougeray de Vitré, présent à Port-Royal, lors de l’expédition de Pierre Dugua de Mons en 1605-1606. Signalons également la présence d’un Malouin originaire de Vitré, Jean Sarcel de Prévert, qui accompagnera Champlain en 1603[43].

Le mariage

Le contrat de mariage fut signé devant un notaire au Châtelet de Paris le 27 décembre 1610. Il est conservé aujourd’hui aux Archives nationales à Paris (voir Annexe 1).

À son mariage Champlain était âgé d’environ 30 ans, et non 40 ou 43 ans comme mentionné fréquemment dans son historiographie. Le contrat stipulait une période de 2 ans avant la consommation du mariage, étant donné le jeune âge de la mariée, douze ans. Quant à l’écart d’âge René Baudry nous dit :

Au Canada, les mariages précoces ont toujours été fréquents, surtout au début de la colonie. La moyenne d’âge pour les jeunes filles se situait autour de quinze ans. On mentionne comme cas extrême le mariage d’un Daniel Duquet épousant à Québec, en 1638, Catherine Gauthier, âgée de onze ans[44] ».

Dans les mariages de cette époque, les mobiles d’ordre sentimental n’intervenaient guère; c’était plutôt des affaires de raison et de convenances, des unions entre des familles et des intérêts. Les parents mariaient leurs enfants sans les consulter et les enfants s’accommodaient ensuite de leurs conjoints comme ils pouvaient[45].

Le mariage catholique fut célébré à l’église Saint-Germain-L’auxerrois le 29 décembre 1610, bien que l’épouse et sa famille fussent protestantes, « concession accordée sans doute au catholicisme de Champlain. La religion de l’épouse suivait celle du mari[46]». Le père d’Hélène est alors qualifié du secrétaire de la chambre du roi.

Les témoins au mariage

Pierre Dugua de Mons, gouverneur de Pons en Saintonge[47]
Lucas Legendre, marchand bourgeois de Rouen

Herculles Rouer, bourgeois de Paris

Marcel (Martial) Chesnu (qui signa Chanut), marchand de Paris

Pierre (Jean selon Baudry) Ralluau, secrétaire de Pierre Dugua de Mons

François Le Saige, apothicaire de l’écurie du Roy

Jehan Ravanel, sieur de Mérois, bourgeois de Vitré (ami probable d’Antoine de Champlain et de Nicolas Boullé)

Pierre Nouail (Noel), sieur de Cohigné, bourgeois de Vitré (ami probable d’Antoine de Champlain et de Nicolas Boullé)

Anthoine de Muralt, aumônier du Roy

Anthoine Marié, maître barbier chirurgien à Paris

Geneviève Lesage (Le Saige), épouse de Simon Allix[48], oncle d’Hélène Boullé

Quant aux signatures, Baudry souligne qu’il est significatif de trouver au bas du contrat, de grosses signatures alors que « la signature d’Hélène est toute menue, gauche et timide[49]».

Présente au mariage d’Hélène, Geneviève Lesage épouse de Simon Allix, frère de madame Boullé. Il est conseiller et secrétaire du roi.  Il est aussi l’une des douze directeurs de la Compagnie des Cent-Associés depuis mai 1618[50].

Nicolas Boullé dote richement sa fille de 6,000 livres. De fait, Champlain ne reçut au moment de son mariage que 4,500 livres. C’est le montant mentionné dans le testament de Marguerite Alix daté du 14 février 1614[51].  Le solde de 1,500 livres ne fut payé qu’en 1619[52]. Champlain offrit à son épouse un douaire de 600 livres selon Bourde de la Rogerie.

La vie du couple entre 1610-1620

En 1610, Hélène demeurait chez ses parents à l’enseigne du Miroir de Sagesse[53].   Peu de temps après le mariage, Champlain quitte Paris en mars 1611.  Il séjourne alors à Hochelaga et se rend aux rapides de Lachine et identifie un lieu propice à l’établissement d’un comptoir de traite. Ce sera le site de Ville-Marie choisie par Maisonneuve et Jeanne Mance en 1642.

En 1613, Champlain de retour à Paris, le couple réside rue Troussevache, paroisse Saint-Jacques de la Boucherie, chez son ami René-Pierre Chartier, médecin du roi[54], qui tout comme Champlain est qualifié de « noble homme ».  Il est un ami de la famille Boullé, car il est présent au mariage de Marguerite Boullé, sœur d’Hélène.

Une fugue

Dans ce mariage, arrangé par son père et Pierre Dugua de Mons, la jeune épouse se sent manipulée et affirme sa personnalité « Il en ressort qu’Hélène Boullé n’avait rien de la petite brebis docile et soumise qu’on imaginait[55]». Leur cohabitation avait débuté en octobre 1613.   Dans les Chroniques des Ursulines, nous apprenons qu’elle s’est rebellée pour des questions religieuses :

« Il (Champlain) trouva d’abord sa femme plus capable de résistance, en fait de Religion qu’il ne pensoit. Et aprés un voyage qu’il fit en Canada, il reconnut qu’elle se fortifiait de plus de plus en plus dans son opiniâtreté. Ce fut pour quoy il l’entreprit tout de bon, & travailla à la convaincre par luy, & par des gens habiles, jusqu’à ce qu’il eût le succés qu’il prétendoit; car elle abjura l’heresie, & fit profession ouverte de la Foy Catholique, proche de 14 ans[56] ».

Cette tension dans leur relation était tellement intense qu’Hélène n’eut pas d’autre choix que de fuir le domicile conjugal. Une explication selon Éric Thierry: Champlain l’aurait éloignée des ses parents pour faciliter sa conversion au catholicisme [56.1]

 Cette fuite provoquera chez ses parents une demande d’exhérédation devant les notaires Cartier et Aradon, le 10 janvier 1614. Cependant ils reviendront sur cette décision le 23 mai 1636, lorsqu’ils auront appris le décès de Champlain[57].  Cet acte d’exhérédation indique:

« Depuis qu’elle est mariée, avecq ledcit sieur de Champlain et spéciallement depuis le premier jour d’octobre mil six cens treize dernier, tant en injures, contradictions aux remonstrances à elle faictes par sesdits pere et mere, propos scandaleux et injurieux allencontre d’eulx, lesquelz, pour l’honneur et respect tant d’eulx que de ladicte Helayne, lesdicts Boullé et sa femme n’ont voulu dire ne proferer quant à present… ladicte Helayne se seroit furtivement absentée et désrobée de la maison de sondict mary sabmedy dernier quatriesme jour de ce present moys et an, contre et au prejudice des promesses que ladict Helayne leur avoyt faictes de se remectre en l’obeissance et amitié de son mary, après plusieurs remontrances à elle faictes par sesdicts pere et mere […] l’on n’a sceu ny peu descouvrir le lieu et endroict où elle est retirée, ce qui est grandement prejudiciable tant à l’honneur desdits Boullé et sa femme que audict sieur de Champlain[58] ».

Le 14 février 1614, Marguerite Allix refait son testament qui confirme l’exhérédation de sa fille.

« Item, declare oultre ladicte Marguerte Alix, qu’elle a receu beaucoup de desobeissance de ladicte Hélayne Boullé, sa fille, nonobstant toutes les remonstrances que ledict Maistre Nicolas Boullé, son may, et elle luy ont faictes par plusieurs foys et nonobstant encores toutes la amitiez, faveurs, soin et dilligence qu’elle a receuz de sesdicte pere et mère, oultre ses frères et sœur, dont de tout  ladicte Helayne Boullé s’est rendues ingrate envers sesdicts pere et mère; pour raison de quoy, ladicte Marguerite Alix l’auroyt cy-devant exeredée…[59] ».

La réconciliation

Après cette fuite et l’abjuration d’Hélène au protestantisme, la relation conjugale s’était grandement améliorée.:

« Depuis ce temps elle aima son Mary, non seulement avec tendresse, comme auparavant, mais avec reconnaissance, estimant qu’elle luy devoit auprés Dieu, son salut. Il prit de plus en plus le soin de luy donner des Maîtres, pour l’instruire de toutes les choses convenables à une personne de condition, de sorte qu’en peu de temps elle devint fort accomplie. Elle cultiva de si bonne heure la modestie, la pitié, & même la penitence, que dans l’éloignement ordinaire de Mr de Champlain, il ne se trouva jamais en elle aucun rejet de blâme, au contraire chacun la consideroit, comme un exemple de vertu; Et son cœur goûtoit l’abondance des consolations celestes, tandis que son corps étoit matté par des austeritez bien dures[60] ».

Elle est devenue alors une catholique convaincue grâce aux Jésuites que fréquentait Champlain.

YsabelleTerrien, domestique

Le 22 juillet 1617, le couple engage une domestique nommée Ysabelle Terrier. Le contrat, passé devant notaire et signé par les deux parties est d’une durée de 4 ans et finissait en 1621. Cela explique le séjour d’Ysabelle Terrier à Québec en 1620. Le texte du contrat est le suivant :

« Fut présent en sa personne Richard Terrier, facteur de marchandz, demeurant rue de la heaulmiere, paroisse St Jacques de la boucherye, lequel a confessé et confesse avoir baillé et mis en service Ysabel Terrier, sa fille, dujourd’huy jusques à quatre ans prochain après ensuivant finiz, et aveq noble homme Samuel de Champlain, cappitaine ordinaire du Roy en la Marine de ponent, et damoiselle Eslaine Boulle, sa femme, demeurant rue et paroisse St Germain l’Auxerroys, en ce présent, qui l’ont prinse et retenue à leur service pendant ledit temps. Laquelle Ysabel promet les servir pendant ledit temps en toute chose qui lui seront commandées par ses maistre et maistresse, licittes et honnestes, moyennant trente livres tournois par chacun an, que ledit Sr de Champlain et sa femme s’obligent sollennellement d’en baller et payer à ladite Ysabel Terrier au feur et à mesure qu’elle en aura affaire, mesme lui advencer sur sesdits gaiges ce qui lui sera de présent nécessaire pour l’abiller, et laquelle Ysabel Terrier ledit Richard Terrien pleuvist de toute loyauté et preudhomye, car ainsi appartient chacun en droict, s’engageant, remettant, promettant. Fait et passé à Paris en estudes après midy MVIC dix sept le vingt deuxiesme jour de juillet. Et ont signé, fors ladite Ysabel qui a déclaré ne pas sçavoir[61] ».

Source : Étienne Charavay, p. 5

Séjour d’Hélène Boullé à Québec (1620-1624)

Après 10 ans de mariage, le 8 mai 1620, Hélène accompagne Champlain à Québec même si elle prévoit une traversée pénible et une vie difficile dans un pays sauvage. La relation étant maintenant améliorée, « Champlain de bon cœur sous une rude écorce, finit par comprendre les sentiments de sa jeune femme et s’efforça de l’apprivoiser[62]».  Ce voyage permet à Hélène de grandir dans sa foi.  Sa présence à Québec a sans doute motivé la venue des Ursulines en 1639. Les Chroniques des Ursulines mentionne ceci:

« Si S. Jérôme a tant vanté l’illustre Sainte Paule, d’avoir quitté Rome & ses délices, pour s’en aller vivre pauvrement en la Terre Sainte; que n’eût-il pas pas dite de cette courageuse femme, qui laissa la ville de Paris, où elle était à son aise, & chérie, pour demeurer en un pays sauvage, avec les fatigues de la traversée, & du jour, qu’il serait impossible de représenter. Mais en entreprenant avec intrépidité un si périlleux voyage; elle fraya le chemin aux Ursulines, & aux Hospitalières qui après elle ont franchy les mêmes difficultés, étans animées de zele de la gloire de Dieu, & du salut de ces pauvres peuples[63] ».

Après la traversée, Champlain nous dit que le frère d’Hélène, Eustache, « fut fort étonné de voir sa sœur et comment elle s’était résolue de passer une mer si fâcheuse, et il fut grandement réjoui, et elle et moi au préalable…[64] ». Hélène était accompagnée de sa servante Isabelle Terrier. Le père Georges Le Baillif était également du voyage sur le même vaisseau[65].  S’y trouvaient aussi l’intendant Dolu et Baptiste Guers, commissionnaire du vice-roi[66]. À Québec les Françaises sont peu nombreuses. Il y avait Marie Rollet, Françoise Langlois, Marguerite Langlois, Guillemette Hébert et Marguerite Lesage. Madame Lesage, accompagné de son mari Nicolas Pivert qui s’occupera plus tard de la ferme de Champlain au cap Tourmente. Elle est peut-être parente de Geneviève Lesage, originaire de Vitré, belle-sœur d’Hélène Boullé.

A son arrivée, Hélène constate le délabrement de l’habitation. Elle qui a quitté le luxe de Paris, on lui demande de vivre dans un taudis. Champlain exige la rénovation.

« Je trouvai cette habitation si désolée et ruinée qu’elle me faisait pitié. Il y pleuvait de toutes parts. L’air entrait par toutes les jointures des planchers, qui s’étaient rétrécis de temps en temps. Le magasin s’en allait tomber. La cour était si sale et repoussante, avec un des logements qui était tombé, que tout cela semblait une pauvre maison abandonnée […] En voyant que le plus tôt qu’on se mettrait à réparer ces choses était le meilleur, j’employai les ouvriers pour y travailler, tant en pierre qu’en bois, et toutes choses furent si bien ménagées, que tout fut en peu de temps en état de nous loger[67] ».

Hélène a grandement impressionné les amérindiens par son élégance et sa beauté. Les Chroniques des Ursulines mentionnent :

« Les Sauvages à son arrivée la voulaient adorer, comme une Divinité, n’ayant jamais rien veu de si beau. Ils admiraient son visage & ses habits; mais par-dessus tout un miroir, qu’elle portait à son côté, ne pouvant comprendre comment toutes choses étaient, ce leur semblait, renfermées dans cette glace & qu’ils se trouvassent tous pendus à la ceinture de cette Dame[68] ».

Durant ce séjour, Hélène est souvent seule, son époux étant fort occupé.  Elle constate que « le pais était alors dans un état bien plus capable de luy donner du dégout que du divertissement[69] ». « Sur 300 mois qu’a duré le mariage (1610-1635), ils ont cohabité 172 mois[70]». Cette solitude a sans doute contribué à son élan mystique et religieux.  Hélène, dans ces temps libres, lisait beaucoup[71]. A son décès, elle possédait une bibliothèque imposante. Elle apprit rapidement les langues autochtones, ce que son mari n’a jamais réussi. Elle maîtrisa suffisamment pour enseigner aux enfants autochtones.  « Elle soignait leurs maux, les confortait dans leurs problèmes et leur parlait de sa foi chrétienne[72] ». Les Chroniques des Ursulines mentionnent :

« Monsieur de Champlain s’employait continuellement aux affaires du trafic, de la guerre, des découvertes de Pais, & de la fortification contre l’ennemy, faisant aussi travailler assidument pour dresser des habitations Françaises, particulièrement à Kebec. La consolation de nôtre Demoiselle, après la prière était la lecture à laquelle elle donnait beaucoup de temps. Elle ne fut pas longtemps sans entendre & parler passablement la langue barbare des sauvages, & tout aussitôt elle prit à prier Dieu à leurs femmes & à leurs enfans[73] ».

Retour en France (1624 -1635)

Champlain explique leur retour du couple en France, le 1er octobre 1624:                                                                                              

« En ce temps, je me résolus de repasser en France avec ma famille, y ayant hiverné près de cinq ans, où durant ce temps, nous fûmes assez mal secourus de rafraîchissements, et d’autres choses fort chichement[74] ».

La vie n’était pas facile à Québec pour cette citadine habituée à un grand confort. Dans les Chroniques des Ursulines, on mentionne qu’elle vécut « dans un lieu pire qu’une Prison & dans la privation de quantité de choses nécessaires à la vie[75]».

Au retour à Paris, Hélène s’intéresse aux activités de son mari, notamment lors de la création de la Compagnie des Cent-Associés.  Selon Éric Thierry :

« Le 31 mars 1626, le cardinal de Richelieu crée la Compagnie du Morbihan […] Champlain avait peut-être été associé aux discussions. Cela expliquerait pourquoi, le 26 mars 1626, il a laissé une procuration à son épouse Hélène Boullé. Celle-ci ne l’utilisera que le 14 janvier 1628 pour signer, au nom de son mari, un contrat d’adhésion à la Compagnie des Cent-Associés[76] ».

Cette procuration signifie qu’il y avait certainement de la complicité dans ce couple. Les Chroniques des Ursulines mentionnent :

« Elle emporta de Canada, tant d’amour pour les Sauvages, qu’elle leur fit depuis toujours du bien, contribua charitablement durant sa vie aux Missions qui s’y sont faites, pour y annoncer la Foy, & laissa quelque chose à sa mort, pour la subsistance de R.R.P.P. Jésuites qui y travaillent[77].

René Baudry, nous dit:

« Elle (Hélène Boullé) continua cependant à s’intéresser aux Indiens, leur envoyant de temps en temps des secours, et contribuant au soutien des missions. Elle s’occupait aussi des intérêts de son mari et, pendant un long séjour de Champlain au Canada de 1626 à 1629, elle intenta en son nom des poursuites contre De Caen pour obtenir le paiement de son salaire[78] ».


De retour en France le 30 novembre 1629, Champlain est fortement ébranlé par la chute de Québec et comble de malheur sa femme désire le quitter. Les Chroniques des Ursulines mentionnent:

« La joye qu’elle ressentit à Paris, y trouvant sa mère dans le chemin du Ciel, luy fit oublier toutes ses peines passées. Monsieur de Champlain la quitta bien-tôt, & pendant quatre ans d’absence sa femme vivait dans le monde comme n’y étant point. Dans ce temps-là elle prit le dessein d’être Religieuse Ursulines. Elle en écrivit à son mary pour avoir son congé & confia sa lettre au R.P. Charles Lalement Jésuite & un des premiers Missionnaires de Canada où il s’en retournait : mais le Vaisseau où il se mit, fut pris par les Anglais, il jeta cette lettre dans la Mer avec beaucoup d’autres. Cependant elle fut fort traversée dans ses desseins, & tout ce qu’elle pût obtenir de Mr de Champlain, à qui elle s’ouvrit en personne, fut de vivre en continence le reste de ses jours. Elle fit le vœu d’être Religieuse…[79] ».

En 1629, Eustache Boullé quitte Québec lors de l’occupation anglaise. Il entra dans les Ordres et fit profession en 1631 au couvent des Minimes de la Place Royale à Paris. Il résidera en Italie pour une période de 10 ans et Hélène lui fournit 1000 livres par année ainsi que tous les meubles que sa mère qui lui avait légué et 6,000 livres à son décès[80].

Le 13 février 1632, peu avant son dernier départ pour la Nouvelle-France, Champlain et Hélène résidaient près de la place Royale, rue d’Orléans, couture du Temple, dans la paroisse Saint-Jean-en-Grève[81].  Ils se firent donation mutuelle de tous leurs biens meubles[82]. René Baudry décrit cette transaction entre époux :

« Considérant le long temps qu’il a plu à Dieu les unir en conjoindre ensemble par mariage et le paynes et travaux qu’ilz ont priz et prennent journellement à gaigner et conserver les biens qu’ilz ont deprésent, sans que de leur dit mariage ilz ayent à présent aucuns enfans vivans, et désirant rénumérer et récompenser le survivant d’entre eux pour luy donner meilleur moyen de vivre et s’entretenir honnestement selon sa qualité le reste de ses jours… feisrent et font le don mutuel, esgal et réciproque et conventions qui ensuivsent… etc[83] ».

La veuve Boullé

En mars 1633, Champlain quitte le port de Dieppe et s’embarque pour le Canada, ce voyage sera sa dernière traversée. Fortement ébranlé par la chute de Québec et sa disgrâce auprès de Richelieu entre 1630 et 1632, sa santé s’est fortement dégradée.  À la suite d’un accident vasculaire cérébral au mois d’octobre 1635, il demeure paralysé et meurt le 25 décembre 1635.  Les Chroniques des Ursulines mentionnent :

« L’an 1635, Mr de Champlain mourut en Canada, & le R.P. Lalemant qui l’avait assisté, annonçant la triste nouvelle à sa femme, qui en ressentit une extrême douleur[84] ».

La même année, le père d’Hélène meurt hrétique, ce qui la bouleversera profondément.

Au moment qu’elle le sceut, elle tomba pâmée, & elle en demeura toute sa vie si inconfortable, qu’on l’a trouvée plusieurs fois baignée en larmes dans sa chambre, depuis même qu’elle fut religieuse, en regrettant, disait-elle, la damnation de son Père[85] ».

Champlain, dans son testament,  légua tous ses biens aux Jésuites et Hélène abandonna le recours en justice de Marie Camaret, cousine  et également héritière de Champlain. Elle évita des chicanes s’inspirant des conseils de l’évangile. Les Chroniques des Ursulines nous disent :

« Monsieur de Champlain par son Testament, donna tous ses meubles aux Jésuites de Canada, qui leur céda son droit de grand cœur, au lieu de leur disputer. Une cousine germaine de Mr de Champlain, & son héritière (car il n’avait pas d’enfans) vint à Paris plaider contre les Jésuites, fit casser le Testament, & suscita un Procès à la Veuve : Mais elle par aversion de la chicane, & encore plus pour suivre exactement les conseils de l’Évangile, aima mieux quitter tout le bien de son Mary, que de plaider; & de plus elle donna à la même héritière sa somme de trois mille livres, pour les meubles qui lui pouvoient appartenir. On peut sur ce pied-là, juger de son désintéressement[86] ».

Hélène Boullé, mère de St-Augustin (1645-1656)


Selon René Baudry, « l’idée d’entrer en religion la hantait depuis longtemps. Elle avait un caractère profondément religieux et les tristesses de sa vie l’avaient profondément orientée de ce côté[87] ».  Le 6 novembre 1645, elle fait une demande pour son admission au couvent des Ursulines du faubourg Saint-Jacques à Paris[88]. Un mois plus tard, elle entre au monastère à titre de pensionnaire et commence son noviciat. Elle choisit le nom de Mère de St-Augustin.

Le 2 mars 1648, elle partit pour Meaux où les Ursulines lui demande de fonder un établissement. Elle offrit ses meubles et 25,000 livres à la communauté pour s’établir dans un ancien collège, non pas dans les faubourgs de Meaux, mais dans la ville, « adossé aux remparts, dans l’un des plus beaux sites de la ville[89].

Habituée à un certain confort, elle pose des conditions dans le contrat de fondation d’un couvent à Meaux. Elle exige un foyer dans sa chambre, une nourriture différente du reste la communauté. Elle demande aussi l’aide d’une sœur converse et exemptée d’un lever à 4 heures du matin.

« Nous, Dominique Séguier, évêque de Meaux, conseiller ordinaire du Roy en ses conseils, 1er aumônier de S. M., reconnaissons et certifions que sœur Heleine Boullé, dite de St. Augustin, veuve de défunt Samuel de Champelain, vivant capitaine de la marine du Ponant, lieutenant général pour le Roy en la Nouvelle France et Gouverneur pour S. M. audit pays, à présent novice Ursuline au couvent dudit ordre au faubourg St.-Jacques lez Paris, muë d’un saint désir pour l’établissement d’une maison dudit ordre en la ville de Meaux, a libéralement donné à la dite maison, pour en commencer l’établissement et fondation, la somme de vingt mille livres, et plusieurs meubles et accommodements; en considération de quoy nous leur avons accordé et promis faire accorder par toutes les supérieures et religieuses de chœur qui entreront ou seront à l’avenir reçues dans la dite maison de Meaux, et incontinent après leur entrée ou profession, les articles et conditions qui ensuivent, pour estre inviolablement et perpétuellement gardées et observées selon leur teneur. Premièrement, que la dite sœur Hélène de St-Augustin sera tenue pour fondatrice de la dite maison de Meaux et qu’en cette condition elle jouira des droits au-dedans d’icelle, dont jouissent ordinairement les fondatrices de semblables maisons, excepté de recevoir des filles pour rien, ni autres fondations à perpétuité : c’est à savoir, qu’elle sera  exempte du lever à 4 heures et du grand office, qu’elle sera assistée dans ses besoins d’une sœur converse, un peu mieux nourrie que le commun, et logée dans une chambre à feu. Que néanmoins lorsque la maison sera en état un peu commode, elle sera tenue de recevoir une fille telle que la dite sœur Hélène de St-Augustin voudra nommer pour religieuse de chœur, sans dot ni pension et en attendant son âge, si elle est en bas âge, entre les pensionnaires, lorsque la maison le pourra aisément permettre, comme dit est. Que la fille sera reçue pour sœur converse nommée, sera soulagée à la prière de la dite sœur Hélène de St-Augustin, et selon qu’elle donnera avis de la nécessité, même après son décès, en cas qu’elle la survive en considération de ce qu’elle a esté à elle dès sa tendre jeunesse, et de ce qu’elle a porté quatre cent livres à lad. maison.  Que les lettres que le père Eustache Boullé, minime, frère de la sœur Hélène de St-Augustin, lui écrira, et elle à luy, ne seront vues par elle, etc. En témoin de quoy nous avons signé ces présentes, faits sceller de note sceau et contresigner par notre secrétaire ordinaire le dixième jour de mars MDCXLVIII (1648)[90].

                                                                                                            Seguier, E. de Meaux.   
                                                                                                             Par mondit seigneur, Petit.

Hélène Boullé fit profession le 4 août 1648.  Elle devint dépositaire et économe de la maison jusqu’en décembre 1654[91]».  

Son décès

Deux ans avant sa mort, Sœur Hélène de St-Augustin, âgée de 52 ans, tomba gravement malade. Cette maladie l’entraîna dans une véritable dépression.  Les Chroniques des Ursulines mentionnent :

« Et depuis, ne travailla plus qu’à se détacher de toutes choses de la terre. Elle devint si indifférente, que même le désir empressé qu’elle avait auparavant, pour le parfait établissement de son monastère, ne paraissait plus. Elle écrivit à son frère pour dernier adieu, de même que si elle eut pressenti sa mort prochaine […] Le dernier jour de sa santé, elle fit un acte signalé de mortification[92]».


Elle mourut le 20 décembre 1654 à l’âge de 56 ans. Elle eut des funérailles importantes, présidées par l’évêque de Meaux, Mgr Caignet. Son corps repose probablement dans la crypte du couvent, aujourd’hui dans ce qui est maintenant le lycée Henri Moissan.

« Enfin l’an 1654, le 20. Jour de Decembre, & le huitième de sa maladie, elle trépassa sur les dix-heures du soir, en prononçant le S. Nom de Jesus, au même lieu, & à la même place où elle avait prononcé ses Vœux solennels (La Chapelle ayant été changée en Infirmerie […] Son corps fut mis dans un cercueil de plomb, & enterré par Mr Caignet, Theologal de la Cathédrale de Meaux, & Superieur du Monastere. Plusieurs Chanoines de la même Cathedrale, honorèrent de leur présence les Obsèques. Toutes les Religieuses ressentirent vivement sa perte, & toute la Ville qui y prenait part, s’employa pour leur consolation[93] ».

Le lycée Henri-Moissan



Aujourd’hui le couvent des Ursulines de Meaux est occupé par le lycée Henri-Moissan[94]. C’est un haut lieu de mémoire franco-québécois. Une plaque commémorative rappelle cette page d’histoire.

La réforme catholique et les dévots.



Au moment de la réforme catholique, on retrouve beaucoup de veuves laïques comme Hélène impliquées dans la création d’œuvres charitables tant en France qu’en Amérique, mouvement appelé la « féminisation » de l’Église par Pierre Chaunu[95]. On peut nommer notamment Antoinette de Pons-Rivérac, marquise de Guercheville[96], proche des jésuites en Acadie, Madame Angélique Faure de Bullion, mécène de Jeanne Mance co-fondatrice de Montréal.  Touchant le rôle croissant des femmes dans la réforme catholique en France, Barbara Diefendorf mentionne :


« Rejecting the too common view that the Catholic Reformation was a male-dominated movement whose principal impact on women was to control and confine them, the book shows how pious women played an instrumental role, working alongside–and sometimes in advance of–male reformers. At the same time, it establishes a new understanding of the chronology and character of France’s Catholic Reformation by locating the movement’s origins in a penitential spirituality rooted in the agonies of religious war[97] ».


Pour expliquer les motivations de Champlain à convertir son épouse, on doit comprendre la situation socio-religieuse de la première moitié du XVIIe siècle. À la suite du ralliement de la ligue catholique à Henri IV, les ligueurs deviendront de véritables dévots animés d’un humanisme chrétien[98].  Champlain est un membre de la ligue catholique royaliste lorsqu’il séjourne en Acadie avec Jean de Poutrincourt et Marc Lescarbot, ligueurs et fervents catholiques. Plus tard, Champlain, pour l’avancement de sa carrière, se mettra certainement en accord avec Marie de Médicis, où règne le parti dévot. Cependant ce parti dévot menace l’autorité royale. Pour Richelieu, les revendications religieuses des dévots doivent être subordonnées au pouvoir royal. Champlain, membre du parti des dévots tombera en disgrâce lors de la journée des Dupes en 1630. Grâce au père Joseph et Jean de Lauzon, il aura à nouveau la confiance de Richelieu qui le nommera lieutenant de la Nouvelle-France.

Conclusion

La relation d’Hélène Boullé avec Champlain a été difficile au début de leur mariage, car Hélène et ses parents se sont objectés à sa conversion au catholicisme. Nicolas Boullé est certainement un fervent protestant. Champlain, accompagné d’amis jésuites, a finalement convaincu Hélène d’adopter le catholicisme. À la suite de sa conversion, l’harmonie du couple s’est grandement améliorée et il existe même une complicité et Hélène soutient son mari dans ses projets et son admiration pour les autochtones.  Le succès de sa conversion est tel qu’elle est devenue une véritable dévote et elle aspire à devenir religieuse durant son séjour en Nouvelle-France, mais surtout après le décès de son mari.


Pour conclure, Jean-Pierre Gutton explique l’importance des dévots dans réforme catholique:

« Le retour à la paix religieuse et civile, à partir de 1598 surtout, ne met pas fin à la mobilisation de laïcs militants qui avaient joué un grand rôle au temps de la Ligue. Les guerres, leur échec n’ont certainement pas tari leur soif de lutte contre l’hérésie qu’ils entendent poursuivre par d’autres moyens. Il y a donc souvent continuité du ligueur au dévot. Mais dans le climat d’« invasion  mystique » de la première moitié du XVIIe siècle, la recherche spirituelle n’est pas l’apanage du clergé, qu’il soit régulier ou séculier. C’est le nombre croissant de laïcs qui subit l’influence de l’humanisme chrétien des jésuites ou celle du mysticisme espagnol. Le dévot est alors un personnage phare de la réforme catholique[99] ».


Recherche : Pierre Dubeau
Révision: Marielle Champagne Rousseau

Annexe 1 : Contrat de mariage du 27 décembre 1610.

Source : Archives nationales de France.
https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/UD/FRAN_IR_042825/c1p72iegcrs3–13idloti5n5dr

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VAN VORST, B. 1912, Mme de Champlain en Amérique, Le Gaulois, 7 mais 1912, p. 1

Archives

12 septembre 1591

Acte de naissance de Marie Boullé.

Archives d’IIe-et-Vilaine, Les registres protestants de Vitré, no.  Etc..
lien internet : https://archives-en-ligne.ille-et-vilaine.fr/thot_internet/FrmSommaireFrame.asp

3 avril 1594

Acte de naissance de Jean Boullé

Archives d’IIe-et-Vilaine, Les registres protestants de Vitré, no.  Etc..
lien internet : https://archives-en-ligne.ille-et-vilaine.fr/thot_internet/FrmSommaireFrame.asp


3 juillet 1594

Lettre du maréchal d’Aumont à Henri IV le priant d’envoyer un homme de confiance à Saint-Malo pour raffermir les bonnes dispositions de Thomas Gravé et des Malouins.

Robert Le Blant et René Baudry, Nouveaux documents sur Champlain et son époque, vol. 1, (1560-1622), Ottawa, Publication des archives publiques du Canada no. 15, 1967, p. 15

… Sire par laquelle Vostre Majesté pourra juger de l’estat et disposition des choses et de ce qu’il est besoing qu’elle face, qui est d’escrire une bonne et gracieuse lettre ausdits habitans en corps et deulx mots fort affectionnez audit Gravé … Mais ne renvoyez pas, Sire, s’il-vous-plaist le controleur Boullé, sy ne désirez qu’on se moque de luy et de son ambassade pour une seconde fois…

5 décembre 1605
 Attestation par Pierre du Gua, sieur de Mons, du décès de René Noel (Nouail), sieur de Bourgjoli, survenu à l’Ile Sainte-Croix.

(Robert Le Blant et René Baudry, Nouveaux documents sur Champlain et son époque, vol. 1, (1560-1622), Ottawa, Publication des archives publiques du Canada no. 15, 1967, p. 107-108.

Et lesdits sieur Symonneau, Daniel et Adenayn ont unanyment dict avoir veu et congneu en ladicte isle Saincte-Croix audit pays du Canada ledict René Noel, sieur de Bourgjoli, depuis dedict mois d’aoust mil six cens quatre, qu’il seroit arrivé en icelle isle, jusques au jour de son deceds qui fut ledict dernier jour de mars dernier passé, advenu de ladicte malladye dictele scurbuyt et l’avoir veu mort en son lict et assisté à son enterrement les mesme jour, dont et de tout ce que dessus honnorable homme Maistre Nicolas Boullé, huissier des finances bourgeois de Paris, y demeurant rue Sainct-Germain-l’Auxerrois à ce présent, pour au nom et soy disant avoir charge de Olivier Noel sieur de la Paillardiere frère  et bien veillant dudict deffunct René Noel sieur de Bourjoly…  Ce fut faict en l’hostel où est logé ledict sieur de Mons…


27 décembre 1610
Contrat de mariage entre Samuel Champlain, capitaine ordinaire de la Marine demeurant à Brouage-en-Saintonge, actuellement logé rue Tirechappe, paroisse Saint-Germain-L’auxerrois, et de Hélène Boulle. Samuel de Champlain est fils de feu Antoine de Champlain, capitaine de navire et de Marguerite Le Roy.

Archives nationales de France. Minutes et répertoires du notaire Louis ARRAGON, 22 octobre 1587. 

https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/UD/FRAN_IR_042825/c1p72iegcrs3–13idloti5n5dr

10 janvier 1614

Exhérédation d’Hélène Boullé, femme de Champlain, par ses parents Nicolas Boullé et Marguerite Allix, et révocation de cet acte le 23 mai 1636. 

Robert Le Blant et René Baudry, Nouveaux documents sur Champlain et son époque, vol. 1, (1560-1622), Ottawa, Publication des archives publiques du Canada no. 15, 1967, p. 330-332)

Depuis qu’elle est mariée, avecq ledcit sieur de Champlain et spéciallement depuis le premier jour d’octobre mil six cens treize dernier, tant en injures, contradictions aux remonstrances à elle faictes par sesdits pere et mere, propos scandaleux et injurieux allencontre d’eulx, lesquelz, pour l’honneur et respect tant d’eulx que de ladicte Helayne, lesdicts Boullé et sa femme n’ont voulu dire ne proferer quant à present… ladicte Helayne se seroit furtivement absentée et désrobée de la maison de sondict mary sabmedy dernier quatriesme jour de ce present moys et an, contre et au prejudice des promesses que ladict Helayne leur avoyt faictes de se remectre en l’obeissance et amitié de son mary, après plusieurs remontrances à elle faictes par sesdicts pere et mere […] … l’on n’a sceu ny peu descouvrir le lieu et endroict où elle est retirée, ce qui est grandement prejudiciable tant à l’honneur desdits Boullé et sa femme que audict sieur de Champlain.

14 février 1614

Testament de Marguerite Allix, femme de Nicolas Boullé, déshéritant leur fille, Hélène Boullé, femme de Samuel Champlain, et révocation de cet acte, le 23 mai 1636.

Robert Le Blant et René Baudry, Nouveaux documents sur Champlain et son époque, vol. 1, (1560-1622), Ottawa, Publication des archives publiques du Canada no. 15, 1967, p. 334)

Item, declare oultre ladicte Marguerte Alix, qu’elle a receu beaucoup de desobeissance de ladicte Hélayne Boullé, sa fille, nonobstant toutes les remonstrances que ledict Maistre Nicolas Boullé, son may, et elle luy ont faictes par plusieurs foys et nonobstant encores toutes la amitiez, faveurs, soin et dilligence qu’elle a receuz de sesdicte pere et mère, oultre ses frères et sœur, dont de tout  ladicte Helayne Boullé s’est rendues ingrate envers sesdicts pere et mère; pour raison de quoy, ladicte Marguerite Alix l’auroyt cy-devant exeredée.

Fonds René Baudry, Université de Moncton.

On retrouve dans ce fonds, de nombreux documents touchant Hélène Boullé et sa famille.

Iconographies

Notes


[1] Voir la bibliographie.

[2]de Pommereu, Marie-Augustine. 1676. Chroniques de l’ordre des ursulines, La vie de mère Hélène Boullé dite des S. Augustin, Fondatrice et Religieuse Ursuline de Meaux, Paris, Jean Hénault et Fils, 1673, pp. 408-418, Dans Ursulines de Québec. Hélène Boullé, veuve de Monsieur de Champlain 1598-1654, fondatrice des Ursulines de Meaux, 1648, Québec, Tremblay et Dion Inc.,1958, 24 p.
Les Ursulines en France aussi cherchèrent à recouvrer leur apostolat de vie mixte en (ré)écrivant leur propre histoire. Dans la maison mère de Paris, l’archiviste ursuline Marie-Augustine de Sainte-Paule Pommereu fit le compte rendu de ce dont elle avait été témoin à partir de la mission du Nouveau Monde. En tant que membre du Grand Couvent*, elle avait été présente lors de la formulation des projets de mission. Elle était là aussi lorsque Marie de l’Incarnation s’arrêta en route pour Dieppe en 1639. En tant qu’archiviste du couvent, mère Pommereu archiva toute la correspondance à destination de, en provenance de et au sujet de la mission canadienne. Suite à l’intérêt croissant porté aux missions ursulines à l’étranger, elle put reconstituer une histoire révisée de l’ordre. Elle sollicita des centaines de mémoires, de biographies et de « lettres de décès* » de la part des maisons ursulines de toute la France et les assembla pour former une histoire définitive faisant la preuve que les Ursulines avaient réussi à joindre une vie active à la contemplation. Dans Les Chroniques de l’Ordre des Ursulines (1673), la Mère de Pommereu mit en avant uniquement les biographies qui exprimaient la nature héroïque et exceptionnelle des Ursulines et qui faisaient la preuve de leur caractère militant et de l’unité de leurs objectifs : l’évangélisation et la conversion des âmes. En dépit des différences existant entre les différentes congrégations d’Ursulines et entre leurs Règles, la Mère de Pommereu souligna qu’il n’y avait qu’un seul esprit unifiant toutes les Ursulines en une « troupe noble* » et intrépide dont la mission était d’entrer en « guerre spirituelle » pour le salut des « innocentes brebis ». Dans cet appel à l’unité, la Mère de Pommereu construisit une lignée héroïque d’Ursulines qui commençait avec sainte Ursule.
Source :  https://www.cairn.info/revue-histoire-monde-et-cultures-religieuses1-2010-4-page-19.htm

[3] Bourde de la Rogerie, Henri. Hélène Boullé, femme de Samuel de Champlain, Extrait des Mémoires de la Société archéologique du Département d’Ille-et-Villaine, Tome LXIII, Année 1937, Rennes, Imprimerie centrale, p. 4.

[4] Baudry, René. 1968. Madame de Champlain. Les Cahiers des Dix, (33), p. 14.

[5] Le Blant, Robert. 1972.  L’évolution sociale d’un huissier : Nicolas Boullé (fin XVIe – Début XVII e siècle), Dans Bulletin philogique et historique, Comité des travaux historiques et scientifiques, Année 1969, Paris, Bibliothèque nationale, p. 819.

[6] Idem, p. 824.

[7] Fischer, David Hackett, Le rêve de Champlain, Boréal, 2008, p. 334.

[8] Le Blant, Robert, La famille Boullé 1586-1639, Revue d’histoire de l’Amérique française, 17(1), p. 56.

[9] Baudry Robert, op. cit., p. 15.

[10] Le Blant,Robert, L’évolution sociale d’un huissier, op. cit., p. 819.

[11] Une autre famille Le Sage en provenance de Vitre, Marguerite Lesage arrive en Nouvelle-France en 1619 et avec son mari, Nicolas Pivert, ils sont responsables de la ferme de Champlain au cap Tourmente. Ainsi, lorsqu’arriva Hélène Boullé en 1620, elle connaissait peut-être ces gens de Vitré.

[12] Le couvent des Minimes de la Place Royale a été érigé en 1609. Des personnalités importantes y sont ensevelis, tels que Diane de France, duchesse d’Angoulème, Louis de Valois, comte d’Auvergne. Leboeuf, Jean. Histoire de la ville de et de tout le diocèse de Paris, Tome 3, 1863-1870, Paris, A. Durand, p.480.

[13] Fichier origine – Hélène Boullé.
https://www.fichierorigine.com/recherche?numero=240518

[14] Le Blant, Robert, La famille Boullé, op. cit., p. 61. Jacob Bunel (1558-1614) était un peintre français. Fils et élève de François Bunel , il est né à Blois . Il étudia à Rome sous Federigo Zuccaro , et de retour en France fut fait peintre du roi, et travailla avec Pourbus et Toussaint du Breuil dans la petite galerie du Louvre , incendiée en 1661. C’était un artiste de grand mérite, et tenait en grande estime par Henri IV , qui l’employa à Fontainebleau et dans d’autres résidences royales (Wikipédia).

[15] Le Blant, Robert, L’évolution sociale d’un huissier, op. cit., p. 827.

[16] Vers 1615, à quatorze ans, il fit le portrait de Charles, comte des Cars, grand maréchal des logis, aujourd’hui conservé au musée de Chantilly. Malgré un trait un peu dur, le visage est finement rendu. On sent de l’application, du talent, du goût. (Jean Louis Petifils, Louis XIII, Tome1, Paris, Perrin, p. 182.

[17] Ce fervent catholique auteur en 1600 d’une composition pastorale en vers latins sur la conversion d’Henri IV, est un ami des Boullé. https://www.umoncton.ca/umcm-ceaac/files/umcm-ceaac/wf/wf/pdf/20-p-a.pdfLa Société de ceux qui vont planter (moyennant la grâce de Dieu) la Foy és terres Occidentales est d’ailleurs comme un avant-projet de la Société de Notre-Dame de Montréal. (Thierry, Éric, Marc Lescarbot (vers 1570-1641). Un homme de plume au service de la Nouvelle-France, Paris, Honoré Champion, 2001, p. 229.

[18] Le Blant, Robert, La famille Boullé 1586-1639, op. cit., p 66.

[19] Baudry, op. cit., p. 14-15.

[20] Bourde de la Rogerie, op cit., p. 3.

[21] Estienne Rondel, homme de chambre puis apothicaire du comte de Laval, baron de Vitré, était originaire de Provence (Bourde de la Rogerie, p. 5).

[22]  Bourde de la Rogerie, p. 3.

[23] Conseiller au parlement de Bretagne, chassé en 1593 de son château de Haris. (Bourde de la Rogerie, p. 5).

[24] Marie de Feschal, femme de Jean du Matz, Seigneur de Montmartin en Saint-Germain-du-Pinel, gouverneur de Vitré (Bourde de la Rogerie, p. 5).

[25] Thierry, Éric, Les œuvres complètes de Champlain, 2019, p. 561.

[26] Idem, p.581.

[27] Idem p. 941.

[28] Idem, p. 966.

[29] Idem, p. 592.

[30] Idem, p. 1007.

[31] Idem, p. 1029.

[32] Idem, p. 1074.

[33] Le couvent des Minimes de la place Royale était un couvent parisien, fondé en 1610 par l’ordre religieux des Minimes. Ce couvent était installé au nord de la place Royale (actuelle place des Vosges) dans le quartier du Marais. Il reste aujourd’hui un vestige de l’église du couvent, au 12, rue des Minimes (Wikipédia).

[34] Baudry, op. cit., p. 23.

[35] Robert Le Blant et René Baudry, op. cit. p. 107.

[36] Bourde de la Rogerie, op, cit., p. 2.

[37] Bourde de la Rogerie, op, cit., p. 8.

[38] Bourde de la Rogerie, op, cit., p. 9.

[39] Baudry, op. cit., p. 15.

[40] Le Goué-Sinquin, Gwénolé, De Vitré à Saint-Malo : un négoce entre terre et mer (1559-1598), Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 2018, p. 52.

[41] Bourde de la Rogerie, op. cit., p. 5.

[42] Thierry, Éric, Espion en Amérique, Québec, Septentrion, 2013, p. 11.

[43] Bourde de la Rogerie, op., cit., p. 10.

[44] Baudry, op. cit., p. 18.

[45] Baudry, op. cit., p. 20.

[46] Idem, p. 24.

[47] Né à Royan vers 1560, Pierre Dugua de Mons appartient à une riche famille réformée Saintongeaise. En 1603, Pierre Dugua de Mons est nommé par Henri IV « Lieutenant général du pays, côtes et confins de l’Acadie » et vice-amiral. Il est présent en Acadie entre 1604 et 1607 et participe à la création d’un poste de traite à Québec en 1608. En 1612, Dugua de Mons renonce à son titre de Lieutenant général au profit d’Henri II de Bourbon, prince de Condé.

[48] Membre no. 81 de la Compagnie des Cent-Associés avec Samuel de Champlain.

[49] Baudry, op. cit., p 23.

[50] Thierry, op. cit., p. 1076, note 197.                                    

[51] Idem, p. 23

[52] Baudry, op. cit., p. 22.

[53] Baudry, op. cit., p. 15.

[54] Accord entre Samuel de Champlain et Mathieu Georges pour l’organisation d’une compagnie de traite en Nouvelle-France, 6 janvier 1613, (Le Blant, Baudry, 1967, p. 250).

[55] Baudry, op. cit., p. 25.

[56] de Pommereu, op cit., p. 5.

[56.1] Courriel d’Éric Thierry, 28 février 2023.

[57] Idem, p. 88.

[58] Exhérédation d’Hélène Boullé par ses parents, dans Robert Le Blant et René Baudry, Nouveaux documents sur Champlain et son époque, vol. 1, (1560-1622), Ottawa, Publication des archives publiques du Canada no. 15, 1967, p. 330-332.

[59] Le Blant, Robert, Réné Baudry, op. cit., p. 334.

[60] de Pommereu, op. cit., p.5.

[61] Charavay, Étienne. 1875. Document inédit sur Samuel de Champlain. Paris, Librairie J. Chavary Ainé, p. 4.

[62] Baudry, op. cit, p. 29

[63] de Pommereu, op. cit., p. 6.

[64] Thierry, Éric, op.cit., p. 880.

[65] Thierry, op. cit, p. 879.

[66] Fischer, David Hackett, op. cit., p. 427.

[67] Thierry, Éric, op. cit., p. 882.

[68] de Pommereu, op cit. p. 6.

[69] Idem.

[70] Trudel, Marcel, L’étrange vie conjugale de Samuel de Champlain et d’Hélène Boullé, dans M. Trudel, Mythes et réalités dans l’histoire du Québec, Tome 2, Montréal, Hurtubise, p op. cit., p. 89.

[71] Elle possédait en tout cas, sûrement le goût de la lecture, puisque les priseurs mentionnent une bibliothèque assez imposante de 102 livres (Baudry, op., cit., p. 38.)

[72]  Wingender, Marco, Le monde oublié : La naissance métissée des premiers canadiens, Éditions la Méisse, 2021, p.133

[73] de Pommereu, op. cit., p. 6

[74] Thierry, op. cit, p. 929.

[75] de Pommereu, op. cit. p. 7.

[76] Thierry, op. cit., p. 941. note 10.  Et p. 1075, note 194.

[77] de Pommereu, op. cit., p. 7.

[78] Baudry, op. cit., p. 33.

[79] Idem.

[80] Idem.

[81] Thierry, op. cit., p. 1214, note 47.

[82] Bourde la Rogerie, op. cit, p. 12

[83] Baudry, op. cit., p. 34.

[84] de Pommereu, op. cit. p. 7.

[85] Idem.

[86] de Pommereu, op. cit, p. 8.

[87] Baudry, op. cit., p.  47

[88] Baudry, op cit., pl 48

[89] Baudry, op. cit., p. 49.

[90] Charavay, op. cit., p. 7.

[91] Baudry, op. cit., p 50.

[92] de Pommereu, op. cit., p. 14.

[93] de Pommereu, op. cit., p. 12.

[94] Ferdinand Frédéric Henri Moissan (1852-1907) était un pharmacien-chimiste français spécialiste des corps à hautes températures. Il est principalement connu pour avoir isolé le premier le fluor. Ses travaux eurent beaucoup d’applications dans l’industrie. Il reçut le prix Nobel de chimie en 1906.

[95] DESLANDRES, Dominique. « RAPLEY, Elizabeth, The Devotes. Women and Church in Seventeenth-Century France. Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 1990. 29,95 $. » Compte-Rendu :  Revue d’histoire de l’Amérique française, volume 45, numéro 2, automne 1991, p. 291.

[96] Elle usera de son influence auprès de la Reine, comme l’avait fait auparavant le père Coton auprès d’Henri IV, pour que Jean de Poutrincourt avec la Compagnie de Jésus puisse continuer à fonder des missions en Amérique (Wikipédia).

[97] Diefendorf, Barbara B. 2006., , From Penitence to Charity: Pious Women and the Catholic Reform in Paris. Oxford University Press. 368 p.

[98] On peut concevoir son influence lorsque les questions religieuses sont abordées en partant de l’homme plutôt que de Dieu. L’idée de révélation devient alors moins importante que son effet sur l’humain et la satisfaction qu’elle lui apporte. (Wikipédia).

[99] Gutton, Jean-Pierre, Dévots et société au XVIIe siècle : Construire le Ciel sur la Terre, Belin, p. 5

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